Pharmacopée n°76

Désapprendre le souci…
Sénèque, dans les Lettres à Lucilius, dégage une sacrée piste: « On a appris la sagesse si l’on meurt aussi dénué de soucis qu’en naissant. » Désapprendre, toujours…  Se désencombrer de l’inessentiel, de ce qui nous coupe de la grande vie…
Bonnes vacances – magnifique occasion de se rendre disponible à ce qui est – à toutes celles et ceux qui ont ce congé d’automne comme, dès aujourd’hui, tout écolier en Suisse. Tous mes meilleurs voeux de grande santé à toutes et à tous.

11 Comments on “Pharmacopée n°76”

  1. « mourir aussi dénué de soucis qu’en naissant » comme sagesse ? La bonne blague !
    ça me parait moins inateignable de vivre et de mourir en acceptant de mourir bourré de soucis … comme sagesse.
    S’il nous reste assez d’humour…

    1. Bonjour, et oui c’est possible, je suis sur le chemin. A 66 ans , je vous assure que je ne me laisse plus atteindre par des broutilles et que je pratique de mieux en mieux « le lâcher prise ». Je ne m’énerve plus pour des petites choses du quotidien (retard du train, plus de place de parking, quelqu’un qui m’a mal répondu …) Je garde mon énergie pour les cas graves, et pour lesquels je peux agir , sinon je cultive le bonheur du moment présent et la gratitude, pour justement avoir de la ressource si un proche ou moi-même devons affronter une grande difficulté (rupture, déménagement, changement de job …)
      Gardons à l’esprit que la Vie pourvoie à ce dont nous avons réellement besoin et que notre pensée est créatrice : si j’envisage la vie comme un perpétuel combat et une succession d’échecs, la Vie me les enverra, mais si j’ai foi en la Vie, que j’ai confiance que tout finit par s’arranger alors la Vie m’envoie ce dont j’ai besoin, pas toujours agréablement, mais elle m’envoie ce dont j’ai besoin pour progresser. Gardez confiance.

  2. Merci Alexandre
    En récidive de cancer du sein au 44 ans, j ai passé ma vie à me faire du souci me semble t il ! Mon 1er cancer m a enseigné à me dévêtir des projections du mental, des anxiétés inutiles et à vivre pleinement le reste. Mais de retour dans le quotidien « ordinaire » comme disent les bouddhistes, mon ego à repris ses vieux démons en partie..j ai encore une belle marge de progression !

  3. Car à remâcher les soucis
    On oublie souvent la magie
    La vie murmure à notre oreille distraite
    Les quelques notes anticipatrices
    D’une tendre mélodie

    Ainsi que pourrait être la vie… sans souci

  4. Merci Alexandre, ainsi que tous les autres. J’en profite pour partager une petite brève, peut-être pourra-t-elle inspirer quelqu’un, comme vos textes m’inspire. Bien à vous.

    Confidence d’un automne confiné.

    Le soleil brille. Le vent souffle légèrement dans les branches faisant virevolter les feuilles de noisetier, de noyer, de bouleau, de merisier et de tous les autres arbres qui se sont établis sur ce lieu que j’appelle « mon jardin ». Je comprend toujours mieux que le qualificatif « mon » est en opposition avec ce qui ne l’est pas au regard des autres humains. Et non, surtout pas, en opposition avec toutes les autres formes de vie qui y habitent, séjournent, vivent et meurent avec la même légitimité que la mienne. Et pourquoi cette opposition envers les autres humains ? La possession est un symptôme de l’esprit malade, perdu dans une représentation identitaire flottante, dont il est difficile de se défaire. En tous cas j’en suis loin en ce qui me concerne…

    Bref, c’est l’automne donc. Les feuilles dansent. Les couleurs se révèlent. Le bleu du ciel. La lumière du soleil. Le vert des feuilles dans lesquelles les arbres les plus tenaces refusent de retirer leur chlorophylle. Et bien sûr les rouge, jaune, violet, brun, orange des feuilles qui s’apprêtent à recommencer un cycle au pied de leur arbre mère. Il y a quelque chose des poupées russes dans ces couleurs. Les couleurs sur une seule et même feuille sont elles-mêmes si différentes. Et à regarder de plus prêt, cette diversité de couleurs semble être une règle intégrée à l’échelle encore plus petite. N’y a-t-il donc pas de limite à la beauté de la nature ?

    Au milieu de tout ça, un pigeon ramier passe. A priori anodin, s’agissant d’une espèce très commune que je vois tous les jours, ce vol ne l’était pas. Il m’a survolé brièvement, avec une légèreté et une aisance propre aux oiseaux. On dit souvent que les oiseaux défient les lois de la gravité, mais ce n’est pas du tout l’impression que j’ai eue. Ce pigeon avait plutôt l’air de jouer avec la gravité qui l’équilibre, lui, l’équilibriste entre ciel et terre. La gravité est son amie. Et ceci m’a fait repenser à une révélation qui m’a été permise il y a quelques jours au sujet de la peur. La peur que je considérais comme mon ennemi, un ennemi à abattre ou au moins à maîtriser, à encager. Et oui, la peur fait peur ! Alors il faut s’en débarrasser. Mais j’ai récemment compris que la peur m’avais aidé, toute ces années, à rester en équilibre. Un équilibre entre la violence (voir la folie ?) d’un côté et la peur donc de l’autre côté. La peur est donc ma gravité. Elle m’a permis de pouvoir rester en lien avec ce que je considère, peut-être à tort, comme la normalité. Je me suis soudainement mis à éprouver une vraie compassion pour la peur. Cette vieille amie qui me veut du bien et que je m’obstine à vouloir faire disparaître. La pauvre… j’en ai été très ému. Désormais j’accueille la peur avec un grand respect, en essayant de comprendre ce qu’elle a à me dire. Peut-être pourrais-je voler avec plus de liberté maintenant que je n’essaye plus de lutter contre la gravité ?

    Et le pigeon dans tout ça ? Et bien lui, confiant, vole, tout simplement. Il pourrait avoir peur de tomber et vouloir supprimer la gravité. Mais il ne volerait plus. Il a sans doute plus de raison que moi d’avoir peur. Mourir de faim, manger par un prédateur, tirer par un chasseur, empoisonner par un pesticide, écrasé contre une vitre… mais non. Lui, il vole. Il regarde à droite, puis à gauche, comme s’il se demandait simplement : « bon, je vais où maintenant ? ». Quelle légèreté ce doit être dans une tête dans laquelle la seule chose qui se dit est « bon, je vais où maintenant ? ». Et bien pour moi c’est choisit, c’est ce chemin là que je souhaite emprunter. Celui du « bon, je vais où maintenant ? ». Car c’est la seule question à se poser et dont, en plus de tout ça, la réponse n’a absolument aucune importance. Parce que j’y vais, c’est tout.

    Et vous ? Où allez-vous maintenant ?

  5. A mon avis, Sénèque était trop vieux quand il postulait « aussi dénué de soucis qu’en naissant »: le double choc de la lumière et du bruit que chaque nouveau-né accuse ne peut être « dénué de soucis! »
    La sérénité s’aquiert, le bien le plus précieux c’est l’absence de peur. C’est le chemin que les philosophes devraient nous montrer.
    Joyeux Noël 2020!

  6. ou peut être plutôt l’acceptation de nos peurs … et la non fixation à celles ci.
    Et sourire de son égo, et de nos limites et de nos inaptitudes …
    un travail à vie.

  7. Oui. Cesser de se passer la rate au court-bouillon pour atteindre ce qui est devenu ou est hors de portée, pour ne s’intéresser qu’au « faisable », seul ou avec les autres, à ce que l’on peut donner et recevoir.
    Le don de l’utile est une richesse que l’on éprouve et qui apaise la vie. Nul besoin de stockages pesants en effet.
    Pas con ce Sénèque. Il a un e-mail ? ;o)
    PS : Par contre « désapprendre », je ne comprends pas bien… A moins qu’il s’agisse de désapprendre ou évacuer ce qu’il ne sert à rien de conserver.
    Merci Alexandre.

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