Gandhi a dit : « Tant qu’un homme ne se met pas, de son plein gré, à la dernière place, il n’est pas de salut pour lui. »
Loin de toute bonification, oser se mettre à la dernière place c’est peut-être sortir de la plus stupide des tyrannies, celle de l’ego. Et si nous apprenions à lui désobéir à ce moi capricieux qui veut se mettre toujours au centre du monde, qui le juge, le commente et qui tire tout à lui ? Se mettre à la dernière place, c’est peut-être laisser l’autre exister tel qu’il est, voir que le monde est plus grand que mes opinions, voir que l’univers est plus vaste que mes désirs. L’ascèse ici, comme toujours, peut être joyeuse. Jouer avec le moi. Voir quand il est prétentieux, c’est-à-dire presque toujours, lui résister gentillement. Et si se mettre à la dernière place, loin de nous faire souffrir et nous humilier, nous faisait accéder à un état d’esprit plus vaste ? Un état d’esprit qui accueille tout, sans se braquer sur le petit moi, sans se fixer sur l’état d’âme du moment.
16 Comments on “Pharmacopée n°22”
Peut-être tout simplement s’efforcer de se mettre à sa place, qui n’est ni la première, ni la dernière, mais la sienne propre, le point à partir duquel nous pouvons rayonner et vivre au mieux de soi, sans chercher à se hisser ou à s’abaisser, le point de sa juste mesure à partir duquel tout s’illumine. Comme le notait Ramuz, se mettre à sa place et mettre les choses autour de soi à leurs places. Se mettre à sa place permet de ne plus convoiter celle d’autrui ou de chercher à se comparer. Quand sait-on qu’on se trouve à la bonne place, la sienne? Quand on ne désirerait pour rien au monde être ailleurs. « Heureux celui qui pousse là où il a été semé » (Saint François de Sales)… A-t-on déjà vu une marguerite refuser de faire son travail de fleur parce qu’elle voulait être à la place d’une rose?
C’est exactement cela, trouver sa place et rayonner sans effort, comme une montagne, l’herbe, un arbre, un fleuve ou l’océan.
Ce mettre à la dernière place, c’est aussi aimer, aimer servir, puiser en soi l’amour et l’offrir. Pourrions nous dire que ce mettre a la dernière place c’est regarder avec amour la première place . C’est prendre cet ego et l’aimer tendrement avec compassion afin qu’il s’ouvre et s’offre . Mais tout cela peux être aussi tellement autre chose….
Bonjour,
Rire de soi me paraît être une bonne attitude, afin de remettre à sa place notre égo lorsqu’il se manifeste un peu trop. C’est un travail au quotidien en souriant à soi même et aux autres quand on y arrive malgré nos adversités…
Merci et bonne continuation Alexandre …
Se mettre à la place de l’autre est un exercice pas toujours naturel, l’empathie peut-être douloureuse, Chercher à se mettre soit même à la dernière place suppose d’avantage encore. C’est un engagement total de sa personne, une mise en danger physique. A cette époque et dans le cadre de l’action politique de Gandhi cela à été à de nombreuses reprises une stratégie payante.
Pour ma part je pense que cet exercice à encore du crédit dans certains contextes, mais perd son sens si il n’est pas la démonstration d’une injustice.
Quand à la notion de salut, il faut préciser à nouveau le contexte culturel de l’auteur. Donc salutaire par l’exemplarité et la prise en considération du plus faible. Mais aussi par la dimension spirituelle de l’acte qui implique alors une fois certaine.
L’interprétation libre que vous faites de cette phrase, M. Jollien, vous fais dire que l’égo est tyrannique et capricieux. C’est à mon sens une accusation facile, bien dans l’aire du temps. Il manque un avocat au procès de ce pauvre égo. Quand à l’ascèse joyeuse qui nous ferais accéder à un état d’esprit plus vaste j’y adhère totalement, entièrement devrais-je dire, égo compris.
Philippe Z.
Bonsoir monsieur Dufloo
Je ne sais pas en effet s’il y a trahison de la phrase de Gandhi interprétée ici hors de son contexte, merci pour cette précision qui donne envie d’en savoir plus. Ce n’est cependant certes pas inintéressant, je me dis que chacun pourra en convenir, et même presque fascinant, de découvrir qu’une phrase peut avoir une autre résonnance, philosophiquement parlant et inviter à une réflexion toute autre que celle à laquelle elle se destinait au départ. Car, oui, telle qu’interprétée par notre hôte, cette phrase m’inspire au plus haut point. Je vais tâcher d’en savoir plus sur le contexte originel, afin, cette fois, d’y songer telle que Gandhi l’a donner à entendre.
Il n’est déjà pas mal de rester à sa place -encore est il ,parfois, tout à fait légitime de vouloir l’améliorer quand l’occasion s’y prête.
Inutile, me semble t il , de vouloir se considérer digne de la dernière place ;cela me paraît un peu de la tartufferie. Nous n’avons à juger personne et ne sommes souvent pas aptes à nous juger nous mêmes
S’accepter comme on est à la place qui est la nôtre ,n’envier personne, ne mépriser ni les autres ni soi-même est déjà un bon programme.Se rendre compte des ruses de notre ego peut être, en effet ,très amusant et aider à les déjouer au jour le jour pour lui donner sa juste place.
Ler derniers seront les premiers…
L’ego nous empêche d’apprécier la vie telle qu’elle est, lorsque l’on n’attend rien, que l’on se « laisse vivre » comme vous dites nous apprécions chaque instant et il n’est plus de bon ou mauvais instant il n’est que la vie.
surtout apprendre à se mettre à la place de l’autre et ressentir sa souffrance.
Laisser à l’autre un espace vital pour exposer ses idées est intéressant certes ; mais cela ne doit pas se faire en laissant de côté ses propres opinions et donc par la même occasion son ego. la vie en société doit être fondée sur le respect , l’échange intellectuel afin d’évoluer et permettre à l’autre d’en faire autant .
Ainsi , il me semble inutile de se positionner d’un côté ou d’un autre vis-à-vis de la question , nuancer ses propos est grand signe de perspicacité 😉 le débat ouvert est en lui même un exemple des choses annoncées précédemment 😉
Ascèse joyeuse ? Salut ? Je répondrais par une citation de l’Ecclésiaste « Le sage comme l’insensé meurent pareillement, tout est vanité et poursuite de vent »… Gandhi, redoutable mystique d’inspiration jaïniste comme sa mère, a une attirance pour la mortification… Chacun son style… Pour moi il est le mystique qui a été capable de montrer comment la mystique en action est d’une redoutable efficacité… Etre le dernier… Oui mais aussi être soi… Aussi être « prétentieux » par crainte de perdre son estime de soi… Chacun peut avoir la prétention d’être unique… Alors je dirais pour ma part que pour connaître la joie (plutôt que le salut) il faut savoir etre le dernier, et savoir être sinon le premier au moins être fier de soi, de son caractère unique et précieux… Aussi précieux qu’une feuille qui tombe en automne…
Envie d’apporter ma pierre à l’édifice pour cette parcelle de pharmacopée… Je lis le message de notre Hôte et celui de chacun… Je suis saisie : désobéir à son petit moi… se mettre à la place de l’autre, se mettre de son plein gré à la dernière place. Tout cela anime vivement une part de moi, une part de mon expérience. Et si on parlait un peu d’Amour, et si ce petit moi nous commencions par l’Aimer inconditionnellement ! Pour savoir ou est la dernière place et pour s’y installer, il faut avoir expérimenté la première. Oui notre Ego aspire à la première place et alors… Depuis que je me suis autorisée à me mettre à la première place dans ma vie, à écouter mes besoins en priorité avant ceux de l’autre, à écouter mes envies et me faire plaisir avant de faire plaisir à l’autre quelle libération. Ce que je me suis donné (la première place) je peux maintenant la donner à l’autre et peu importe que je sois à la première, à la troisième ou à la dernière. Cette notion amène à la dualité, à la comparaison. Il n’y a pas de 1ere ou de dernière place, au final il y a la place où je suis aujourd’hui et juste parvenir à être conscient de ce qui remplit ce ici et maintenant. Si je ne l’aime pas c’est parce que je le juge, je le veux différent. Si je l’accueille (et je peux vous assurer que j’ai eu dans ma vie à accueillir des choses face auxquelles je mettais beaucoup de résistance) ce ici et maintenant je ne suis plus devant ou derrière je suis AVEC, je suis UN avec moi-même, avec l’autre avec les autres ! Plus nous cherchons à nous éloigner de l’égo et plus nous le faisons souffrir et plus nous le renforçons. Mon égo je le vois comme mon enfant intérieur, à moi aujourd’hui d’en prendre soin comme j’aurai aimé que l’on prit soin de moi jadis… ça a changé ma vie. Ce chemin est un magnifique chemin pour retourner à la maison… Aimez-vous sans condition, quelle que soit la facette de vous même que vous rencontrez. Aimez votre égo, comme votre part spirituelle ou philosophe ou intellectuelle… aimez autant votre jalousie que votre générosité, votre colère autant que votre calme. Tout cela n’est qu’expérience tout cela n’est qu’impermanence. Aimons cette abondance qui nous est offerte, et à nous de choisir ce que nous voulons nourrir une fois l’expérience faite. Ces derniers temps j’ai choisi de laisser aller en moi le rejet d’une personne proche, c’était mon mouvement naturel. Je suis allée au bout de ce ressenti et ce matin pendant ma méditation j’ai senti que ce rejet s’était vidé, épuisé et qu’à la place il y avait juste envie d’accueillir cette personne, d’être en lien avec elle, de la découvrir… mais ne me croyez pas, expérimentez ! Bien chaleureusement, frédérick
Accepter d’être à la dernière place et se sentir toujours être soi-même et non diminuée: la place n’a plus d’importance, seul l’être compte! Cela demande du courage: celui d’être! et combien cela m’est difficile face à l’autre! Merci Alexandre pour toutes vos réflexions qui suscitent les miennes.
Il y a un spectacle plus grand que la mer, c’est le ciel, et il y a un spectacle plus grand que le ciel, c’est l’intérieur d’une âme .
Victor Hugo, les misérables
… Je ne suis pas sûre que le choix délibéré de la dernière place soit mortification de l’ego (je ne pense d’ailleurs pas que l’on exécre ce dernier en lui accordant ainsi un caractère – parfois – tyrannique, on peut éprouver de la tendresse pour les capricieux ;-D…)… je penche plutôt pour le choix de la dernière place découlant d’une révélation : nous ne mourrons pas d’occuper un jour celle-ci, si cela advient. Et le découvrir est en soi une extrême libération et une grande joie intérieure. Pas de rabaissement de soi, toute honte bue par forfanterie ou pour (se) prouver quoi que ce soit, en l’occurrence; mais la découverte de la liberté.