Le père Lassalle, qui a longtemps vécu au Japon, jette ici de très utiles ponts entre le zen et la tradition mystique chrétienne sans nier les spécificités de ces deux démarches. Sans doute, il s’agit d’une lecture à conseiller à celles et ceux qui souhaitent aller plus avant dans le dialogue inter-religieux comme à qui désire nourrir une authentique vie de prière en recourant au zen comme voie de purification, pour vivre Dieu au-delà de la pensée. L’auteur y présente Jean de la Croix, Jean de Ruisbroek, Eckhart et Tauler.
Il donne aussi une large place au Nuage de l’inconnaissance, traité anonyme du Moyen Age qui mérite assurément d’être lu et pratiqué. Le livre du père Lassalle est exigeant mais il vaut sans doute le détour, car il nous détourne de l’inessentiel. Laissons la parole au Nuage de l’inconnaissance : « Aussi donc, quel que soit le moment où tu te disposes à cette œuvre, et quel, le sentiment d’y être appelé par la grâce de Dieu : élève alors ton cœur vers Lui, avec un mouvement et un élan d’humilité et d’amour, dans la pensée du Dieu qui t’a créé, et racheté, et qui t’a gracieusement rappelé au degré où tu es, n’admettant aucune autre pensée que cette seule pensée de Dieu. Et même celle-ci, seulement si tu t’y sens porté : car un élan direct et nu vers Dieu est suffisant assez, sans aucune autre cause que lui-même. Et que si cet élan, il te convient l’avoir comme plié et empaqueté dans un mot, afin de plus fermement t’y tenir, alors ce soit un petit mot, et très bref de syllabes : car le plus court il est, mieux il est accordé à l’œuvre de l’Esprit. Semblable mot est le mot : Dieu, ou encore le mot : Amour. Choisis celui que tu veux, ou tel autre qui te plaît, pourvu qu’il soit court de syllabes. Et celui-là, attache-le si ferme à ton cœur, que jamais il ne s’en écarte, quelque chose qu’il advienne. Ce mot sera ton bouclier et ton glaive, que tu ailles en paix ou en guerre. Avec ce mot, tu frapperas sur ce nuage et cette obscurité au-dessus de toi. Et avec lui tu rabattras toutes manières de pensée sous le nuage de l’oubli. A tel point que, si quelque pensée t’importune d’en haut et te demande ce que tu voudrais posséder, tu ne lui répondras par aucune parole autre que ce mot seul. »
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